Saturday, November 7, 2015

La tricherie à l'université

"Le problème, c’est que plusieurs étudiants vont à l’école uniquement pour avoir un papier. Et selon moi, c’est un peu de notre faute. On ne regarde que les notes pour la maîtrise et les bourses [sauf dans certains programmes] au lieu de faire des entrevues et de valoriser ce que l’étudiant a réellement appris. »
Tiré de La Presse + ce matin
Ça ne m'a jamais même croisé l'esprit lorsque j'étais aux études. J'ai payé des secrétaires de l'Université d'Ottawa pour taper mes travaux manuscrits, car c'était avant les ordinateurs personnels et si on faisait plus de 3 fautes de frappe sur une page dactylographiée, il fallait recommencer la page. Pendant une fin de session, je me revois en train de passer mes feuilles manuscrites à ma mère au fur et à mesure que je terminais leur rédaction. Ma mère était montée à mon appartement pour taper mes travaux. Elle avait pris pitié de moi cette fois-là. Les doigts de ma mère s'envolaient sur le clavier de ma machine à écrire comme ceux d'Alain Lefèvre sur un Grand.
Pendant une session de mon bac en littérature, étant débordée dans mes lectures, j'avoue avoir "écouté" The Picture of Dorian Gray par Oscar Wilde sur des cassettes au lieu de le lire pour gagner du temps. Je n'avais pas réalisé que la version lue sur cassette était abrégée et que cela me présenterait des petits pépins lors de ma synthèse alors j'ai quand même dû me procurer le livre et lire certains passages.
Au cégep Bois-de-Boulgogne, mon prof de littérature nous rencontrait individuellement pour nous interviewer à propos de nos lectures à partir de la liste qu'il nous avait imposée en début de session. Tu avais intérêt à avoir lu les livres attentivement. Je me souviens qu'on devait lire "Pour qui sonne le glas" d'Ernest Hemingway. Nous avions une copie de "For whom the Bell tolls" dans l'immense bibliothèque chez mes parents, alors j'avais décidé de lire la version originale en anglais pour mon cours de français. Je me souviens que je me sentais nerveuse pendant l'entrevue du lundi matin craignant que mon prof s'aperçoive que je ne l'avais pas lu la traduction française. J'ai toujours préféré lire des livres dans la langue de départ.
Il y a tellement de façons d'exprimer sa pensée que si les profs d'universités et de cegeps variaient le genre de productions qu'ils acceptent des étudiants, la tentation du plagiat se présenterait moins. Par exemple pour un travail final dans un cours de didactique de littérature de niveau secondaire à la faculté d'éducation de l'Université d'Ottawa, au lieu de remettre un bon vieux travail écrit pour présenter ma recherche, j'avais décidé d'écrire des paroles de chanson sur l'air de King of the Road de Roger Miller. Pour ma présentation orale, j'avais apporté ma guitare en classe. Impossible de faire du plagiat dans ce cas.
C'est certain qu'une telle ouverture demande que les profs soient prêts à faire autrement et à analyser une panoplie de modes d'expression. Par contre, porter un jugement sur de telles productions en les convertissant en un pourcentage devient un exercice plus complexe. Peut-être devrions-nous nous éloigner des notes, mais ça c'est un tout autre débat qui demande un gros travail de débroussaillage.
Selon moi, nous devons inviter les étudiants à s'engager à fond pour le plaisir d'apprendre et de débattre des idées en variant les travaux de productions et leurs moyens d'expression.
C'est à nous de former les prochaines générations à réfléchir sur le monde et sur les rôles qu'ils veulent jouer sur cette grande scène afin de former leurs propres valeurs.
Trente-trois ans plus tard pour en avoir la conscience tranquille, je viens de rajouter The Picture of Dorian Gray à ma liste de lecture. Bonne journée!