Saturday, June 20, 2015

la Fête des pères



La Fête des pères 2015

À la mémoire de mon père,
Jean G. Nadon
4 juillet 1923-
21 février 2001


 Jean Gabriel Nadon, John, Mon Oncle Johnny, Dad, Pa.

 Je n'ai pas beaucoup connu mon père pendant mon enfance. Il travaillait de longues heures à partir du mois d'avril jusqu'au mois d'octobre à Lachute. Nous allions passer les étés avec lui. Il m'amenait dans les grandes cuisines du club de golf de Lachute pour que le pâtissier me gâte avec toutes sortes de créations sucrées.

 Quand mon père a reçu l'invitation pour travailler pour le Gouverneur Général c'est ma mère qui l'a encouragé d'accepter ce poste prestigieux. Alors là, il travaillait de longues heures à longueur d'année à Ottawa. Ma mère et moi allions le voir lorsqu'il ne pouvait pas descendre ici. J'étais très jeune et ça m'impressionnait de voir mon père vêtu dans un genre de tuxedo avec une grande queue ressemblant à un chef d'orchestre. Mon père l'appelait son "monkey suit". Il était beau dans son monkey suit.

 Environ toutes les 2 semaines, mon père descendait à Montebello pour une fin de semaine de congé. Nous nous assoyions au souper avec des chandelles et une bouteille de vin. En ce temps-là, mon père coupait mon vin avec de l'eau. Il avait toujours de bonnes histoires à nous raconter. Au lieu de contes de fées, mon père remplissait ma tête avec des anecdotes de la vie de Rideau Hall remplies de personnages comme des rois, des reines, des premiers ministres et des présidents de pays lointains. Il était bon raconteur.

 Il nous rapportait des cadeaux et des souvenirs exotiques. À un party surprise pour ma fête, il nous a servi un délice d'un pays africain: des chenilles fumées. Il a fait semblant d'en déguster pour convaincre mes amis et moi d'en manger.

Mon père a eu la chance de voyager. Il a partagé une de ses aventures avec moi l'été de mes 16 ans. Il m'a emmenée pour mon premier vol à bord d'un Boeing 707, mais pas n'importe quel Boeing. C'était l'avion de la reine d'Angleterre. Quel baptême de l'air! Moi, j'espérais rencontrer le beau Prince Andrew, j'avais même porté une jupe, mais il avait pris un autre vol. Par contre, j'ai fait la connaissance d'un autre prince. La relation avec mon père dont je jouissais les dernières années de sa vie a pris naissance pendant ce voyage. Nous sommes revenus de Vancouver par le train. Quatre jours toute seule à traverser le Canada avec mon père. C'était le début de notre complicité.

 Mon père était un homme sage. Quelques semaines après avoir quitté le village pour poursuivre mes études à Montréal, j'ai téléphoné à mon père pour lui dire que je voulais tout lâcher. Papa pouvait aussi être économe avec ses mots: "Je comprends que tu trouves ça difficile, mais reste à l'école, me dit-il doucement, on en reparlera à Noël". Il savait bien ou bien il espérait que je plonge dans mes études et ma nouvelle vie. Il a eu raison. Rendu à Noël tout allait bien et je voulais continuer mes études. Deux ans plus tard, rendue à l'université d'Ottawa, demeurant à quelques rues de mon père, je lui ai téléphoné pour lui dire que j'étais découragée et que je voulais quitter les études. Encore une fois,  mon père m'a répondu: "Reste à l'école, on en reparlera à Noël".


 Papa savait comment j'allais juste à me regarder ou à entendre ma voix. Il me disait: "Viens faire un tour au bureau."  Il m'assoyait dans sa chaise. Il revenait avec des restants succulents d'un repas gastronomique et il me racontait des histoires. Il a toujours gardé cette douce sensibilité.

 Papa a toujours continué de nous divertir avec ses histoires. Deux  semaines avant son décès à l'heure du souper, il nous racontait les différentes manières qu'il a tenté de s'esquiver de son service militaire pendant la guerre. Ses copains et lui ont même ingurgité des négatifs de photos en croyant que ça révélerait des taches sur leurs poumons. Malgré tous leurs efforts, ils ont servi leur pays.

 La veille de notre voyage en Espagne pendant lequel il est décédé,  je lui ai demandé: "Comment as-tu fait pour ne pas t'inquiéter pendant les 3 ans que j'étais en Europe?"  " Qui te dit que je ne me suis pas inquiété?  Il fallait que je l'accepte", m'a-t-il répondu en regardant par la fenêtre du salon.

 Je suis reconnaissante que la vie m’ait prêté deux parents qui ont donné à Vincent et à moi de l'amour, une joie de vivre, un sens de l'humour et une appréciation pour tout ce qui est beau et bon.

 Ce qui était le plus important pour mon père était de savoir que sa famille était en sécurité et heureuse. Je me sens bénie d'avoir profité des dernières années avec mon père. Que de matins nous avons admiré les oiseaux dans nos mangeoires, les chevreuils dans les champs et la rosée sur nos fleurs. Que de journées nous avons passées à dévorer des livres de recettes.  Il n'est plus là. J’ai appris à accepter le départ prématuré de mes parents. Je sais dans mon coeur qu’ils sont en sécurité et heureux.