"Le problème, c’est que plusieurs étudiants vont à l’école uniquement
pour avoir un papier. Et selon moi, c’est un peu de notre faute. On ne
regarde que les notes pour la maîtrise et les bourses [sauf dans
certains programmes] au lieu de faire des entrevues et de valoriser ce
que l’étudiant a réellement appris. »
Tiré de La Presse + ce matin
Ça ne m'a jamais même croisé l'esprit lorsque j'étais aux études. J'ai
payé des secrétaires de l'Université d'Ottawa pour taper mes travaux
manuscrits, car c'était avant les ordinateurs personnels et si on
faisait plus de 3 fautes de frappe sur une page dactylographiée, il
fallait recommencer la page. Pendant une fin de session, je me revois en
train de passer mes feuilles manuscrites à ma mère au fur et à mesure
que je terminais leur rédaction. Ma mère était montée à mon appartement
pour taper mes travaux. Elle avait pris pitié de moi cette fois-là. Les
doigts de ma mère s'envolaient sur le clavier de ma machine à écrire
comme ceux d'Alain Lefèvre sur un Grand.
Pendant une session de
mon bac en littérature, étant débordée dans mes lectures, j'avoue avoir
"écouté" The Picture of Dorian Gray par Oscar Wilde sur des cassettes au
lieu de le lire pour gagner du temps. Je n'avais pas réalisé que la
version lue sur cassette était abrégée et que cela me présenterait des
petits pépins lors de ma synthèse alors j'ai quand même dû me procurer
le livre et lire certains passages.
Au cégep Bois-de-Boulgogne,
mon prof de littérature nous rencontrait individuellement pour nous
interviewer à propos de nos lectures à partir de la liste qu'il nous
avait imposée en début de session. Tu avais intérêt à avoir lu les
livres attentivement. Je me souviens qu'on devait lire "Pour qui sonne
le glas" d'Ernest Hemingway. Nous avions une copie de "For whom the Bell
tolls" dans l'immense bibliothèque chez mes parents, alors j'avais
décidé de lire la version originale en anglais pour mon cours de
français. Je me souviens que je me sentais nerveuse pendant l'entrevue
du lundi matin craignant que mon prof s'aperçoive que je ne l'avais pas
lu la traduction française. J'ai toujours préféré lire des livres dans
la langue de départ.
Il y a tellement de façons d'exprimer sa
pensée que si les profs d'universités et de cegeps variaient le genre de
productions qu'ils acceptent des étudiants, la tentation du plagiat se
présenterait moins. Par exemple pour un travail final dans un cours de
didactique de littérature de niveau secondaire à la faculté d'éducation
de l'Université d'Ottawa, au lieu de remettre un bon vieux travail écrit
pour présenter ma recherche, j'avais décidé d'écrire des paroles de
chanson sur l'air de King of the Road de Roger Miller. Pour ma
présentation orale, j'avais apporté ma guitare en classe. Impossible de
faire du plagiat dans ce cas.
C'est certain qu'une telle
ouverture demande que les profs soient prêts à faire autrement et à
analyser une panoplie de modes d'expression. Par contre, porter un
jugement sur de telles productions en les convertissant en un
pourcentage devient un exercice plus complexe. Peut-être devrions-nous
nous éloigner des notes, mais ça c'est un tout autre débat qui demande
un gros travail de débroussaillage.
Selon moi, nous devons
inviter les étudiants à s'engager à fond pour le plaisir d'apprendre et
de débattre des idées en variant les travaux de productions et leurs
moyens d'expression.
C'est à nous de former les prochaines
générations à réfléchir sur le monde et sur les rôles qu'ils veulent
jouer sur cette grande scène afin de former leurs propres valeurs.
Trente-trois ans plus tard pour en avoir la conscience tranquille, je
viens de rajouter The Picture of Dorian Gray à ma liste de lecture.
Bonne journée!